Conserverie OrNorme

Brain-sur-Allonnes, Maine-et-Loire –

Une conserverie anti-gaspi, mais aussi une entreprise d’insertion tournée vers la transmission des savoirs

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1- Introduction

OrNorme est une conserverie pas comme les autres : acteur engagé dans la lutte contre le gaspillage et la valorisation des invendus (des produits « hors normes », déclassés parce que trop petits, trop grands ou biscornus), elle est aussi une entreprise d’insertion et multiplie les actions de formation et de sensibilisation à la transition alimentaire – tout cela sans subvention !

2- Histoire et valeurs du projet

2.1 – A l’origine : un projet prototypé par l’association ValOrise

La conserverie OrNorme a été imaginée et conçue sous l’égide de l’association ValOrise, créée en 2017 à Brain-Sur-Allonnes pour « proposer des réponses concrètes au gaspillage alimentaire et à l’éducation au goût dans une démarche d’économie circulaire et solidaire ».

Dès 2018 ValOrise conçoit deux programmes de sensibilisation (l’un auprès de publics scolaires, l’autre auprès de publics bénéficiaires du don alimentaire) autour de la thématique de l’alimentation, avec des animations ludiques et des ateliers culinaires.

Parallèlement, l’association imagine une filière de valorisation des fruits et légumes déclassés, et conçoit en partenariat avec les maraîchers et les coopératives du territoire un premier prototype de « bocaux anti gaspi » : « dès nos toutes premières rencontres avec les producteurs en 2017, nous avons compris que pour impliquer les acteurs locaux, il faudrait proposer des choses concrètes. Nous avons donc rapidement prototypé des premières gammes et monté un partenariat avec la plus importante coopérative légumière de notre territoire, qui nous a permis de qualifier et de quantifier leurs stocks d’invendus ».

En 2019, ValOrise se lance dans une première phase-test de production en louant une conserverie : « nous avons produit 10.000 bocaux et avons créé des partenariats avec une vingtaine de revendeurs pour commencer à commercialiser de manière professionnelle une gamme de bocaux anti gaspi. Il était très important pour nous de tester l’idée de façon concrète, et cela correspond à notre manière de travailler par itérations et par boucles : nous identifions un besoin et nous créons une réponse que nous testons immédiatement pour l’adapter ensuite si besoin. Ce système a aussi l’avantage pour une initiative jeune de gagner rapidement en légitimité et de pouvoir chercher des financements de manière progressive », explique la co-fondatrice Peggy Jousse.

Parallèlement à cette phase de test s’avérant au fur et à mesure concluante, ValOrise cherche de potentiels locaux pour s’installer : « nous avons monté un comité de pilotage avec différents acteurs du territoire pour chercher des locaux et déterminer les actions que nous allions mettre en place avec ces acteurs-là. Nous avons trouvé une ancienne friche en plein milieu de la zone de maraîchage que nous avons achetée fin 2019 pour y créer un tiers-lieu nourricier ».  

2.2 – Une autonomisation du projet

En janvier 2020, les membres de l’association décident de séparer les deux activités :

  • L’association ValOrise garde l’aspect sensibilisation, animation, prévention et développement du tiers-lieu nourricier.
  • Et parallèlement est créée la conserverie OrNorme, société commerciale (SAS) comprenant 7 associés.

Outre la rénovation de la friche entamée dès janvier 2020, OrNorme lance dès le départ des démarches pour obtenir un agrément d’entreprise d’insertion – qu’il reçoit en juillet 2020.

La toute première production “symbolique” dans les nouveaux locaux rénovés ont lieu pour le Noël 2020, avant un lancement de l’activité officielle en janvier 2021.

Aujourd’hui, OrNorme a une capacité de production de 150 tonnes à l’année : « ça peut paraitre beaucoup, mais c’est une goutte d’eau au regard de notre territoire. La moyenne du gaspillage au stade de la production est de 40 %. Par exemple, sur la saison du panais, une coopérative va acheter 50 tonnes de panais, elle va acheter 100 tonnes de radis, etc. Une coopérative connue à Nantes va jeter 400 tonnes de produits à l’année (aubergines, tomates…). Donc 150 tonnes ce n’est rien. Mais l’idée n’est pas de prendre tout l’excédent et de donner un prétexte à continuer à gaspiller, au contraire : notre objectif est d’aider ponctuellement et d’entamer une conversation sur le sujet avec les producteurs et les chambres d’agriculture ».

3- Réseaux d'appartenance

OrNorme (et l’association ValOrise) ont construit un solide réseau de partenaires nationaux et locaux  (fondations, collectivités locales, chambres d’agricultures, etc.), dont vous pouvez consulter la liste ICI.

Parallèlement, OrNorme œuvre à créer un réseau régional de conserveries : « selon moi, explique Peggy Jousse, une conserverie a une vocation très locale. Nous ne souhaitons pas valoriser des produits qui sont à 100 km ou plus, donc j’essaie de créer un réseau de sorte que si des producteurs de Nantes me contactent, je sois en mesure de les mettre en relation avec des conserveries qui sont plus proches ».

 

4- Produits et producteurs

4.1 – Les types de produits

La particularité de la conserverie OrNorme est de « travailler uniquement des fruits et légumes déclassés issus de producteurs locaux, avec un sourcing à 50 kilomètres maximum autour de la conserverie. C’est une différence par rapport à d’autres projets anti gaspi, comme les confitures Re-belle à Paris, ou J’aime Boc’oh à Lyon qui sont des ateliers “chantier d’insertion” valorisant surtout des excédents qui viennent du supermarché ou de producteurs distants. L’objectif d’OrNorme est de valoriser autant le produit en lui-même que le travail du maraîcher ».

OrNorme travaille une grande quantité de fruits et légumes différents : certains produits sont faciles à écouler, comme les compotes ou les champignons, bien connus du grand public ; mais d’autres comme « le radis noir ou le topinambour ont plus de mal à trouver leur clientèle parce que moins connus ».

Le laboratoire est certifié Bio, mais « ne ferme pas pour autant la porte aux produits issus d’exploitations en conversion ou en agriculture raisonnée, et offre d’ailleurs un accompagnement aux producteurs en questionnement sur leur production ».

4.2 – Des prix d’achat fixés par le producteur mais encadrés par des plafonds

A l’origine, OrNorme a cherché à établir un système de prix basé sur les coût de production des agriculteurs, afin d’établir un prix d’achat juste – un souhait qui s’est finalement « avéré utopique » : « beaucoup ne connaissent pas exactement leurs coûts de production et il y a souvent des confusions entre le prix de vente professionnel et public, cela rendait le travail trop compliqué ».

Finalement, l’exercice inverse est réalisé : OrNorme part de ses propres coûts de production et de ses prix de vente pour établir une mercuriale de prix avec des prix plafonds à ne pas dépasser : « concrètement, aujourd’hui, lorsqu’un maraîcher nous contacte pour nous dire qu’il a un excédent, je lui demande son prix. Si le prix entre dans notre mercuriale, je ne négocie pas, j’estime que le producteur est honnête et qu’il connait ses coûts. En revanche, si le prix proposé dépasse la mercuriale nous échangeons sur ce qui est possible pour nous. D’un maraîcher à un autre, les prix vont être différents, nous ne pouvons pas imposer un prix unique pour un même produit vu les différences entre les structures : on a des fermes indépendantes ou familiales, une coopérative, des petites exploitations en permaculture… Les situations sont toutes si différentes qu’on est obligés de fonctionner au cas par cas, et de prendre en compte les singularités de chaque exploitation ».  

5- Modalités de commercialisation

La commercialisation des produits se fait de deux manières :

  • En vente “directe”, via une petite boutique présente dans la conserverie. Ce mode de vente « ne pourra toutefois jamais suffir étant donné qu’OrNorme doit vendre 100 000 bocaux à l’année pour fonctionner ».
  • Via des revendeurs : « les réseaux vrac, les Proxi, les Viveco et bientôt, grâce à l’obtention récente du label bio, et bientôt peut-être en Biocoop et Naturalia ».

Pour la commercialisation via des revendeurs, OrNorme utilise la plateforme de vente en ligne Socleo, qui est d’une « grande utilité pour gérer les stocks et vendre les produits » : « nos acheteurs (ndlr : les revendeurs) peuvent passer commande directement sur notre site internet ce qui est plus facile pour leur gestion et la nôtre ». Si le logiciel « demande du temps pour la prise en main », il constitue « un bon rapport qualité/prix ». Un atout de cette plateforme, souligné par Peggy Jousse : « la grande disponibilité de ses concepteurs : nous avons une personne dédiée en cas de problème et ils sont hyper disponibles et pédagogues ».

A l’heure actuelle OrNorme a principalement des clients finaux particuliers. La conserverie « a des échanges avec  un prestataire de restauration collective, mais les négociations butent toujours sur les mêmes questions » : « ils nous demandent de baisser les prix, mais pour cela nous avons besoin d’engagements sur les volumes sans quoi cela revient pour nous à prendre un risque économique important, d’autant que la restauration collective demande des contenants de grand volume, différents de ceux de nos revendeurs. Cela implique qu’on ne pourrait pas revendre à des particuliers les invendus de la restauration collective et qu’on ne peut faire que des approvisionnements à la demande. »

6- Modalités logistiques

6.1 – Trois principales difficultés logistiques

La logistique est particulièrement complexe à organiser, et dépend notamment de trois facteurs :

  • La capacité de production limitée de la conserverie : « les maraîchers nous appellent souvent pour de gros volumes de 1 ou 2 tonnes, or on ne peut valoriser qu’environ 150 à 200 kilos par jour. Dans ces cas-là, ils gardent les produits sur l’exploitation et nous allons ponctionner les produits tous les jours ou chaque semaine au fur et à mesure, suivant notre capacité de production ».
  • La vitesse de péremption des produits : « dans le cas de produits fragiles comme les tomates ou les fraises, il faut être prêt tout de suite à les transformer avant qu’ils ne s’abiment, ce qui crée un autre type de contrainte sur notre agenda ».
  • Les saisons, qui imposent une variation permanente des types de produits à transformer et des contraintes spécifiques qui s’y rattachent : « sur la période automne-hiver, nous avons un énorme volume de courges et de légumes anciens qui permet une production relativement constante et facile à anticiper. Ensuite, il y a un creux sur la diversité de produits autour de mars-avril, c’est le moment de la saison de l’asperge, qui est très courte : nous faisons alors uniquement de l’asperge sur cette période-là. En juin, juillet et août nous sommes sur les produits primeurs ce qui nous oblige à travailler dans l’urgence : il faut être très réactif sur la valorisation de l’aubergine, des tomates et des fruits rouges, parce qu’ils ne se gardent que très peu longtemps. Nous faisons aussi du travail à façon durant l’été, où nous faisons de la transformation pour des maraîchers qui vendent en direct ou qui ont des magasins de producteurs. Ils vont alors accoler leur propre marque sur les bocaux. Nous restons ouverts au mois d’août contrairement à d’autres conserveries car il y a un pic d’activité sur les produits et le travail à façon se fait à ce moment-là ».

    Ces trois difficultés sont certes « source de frustrations », explique Peggy Jousse, car elles obligent régulièrement à refuser des produits. Toutefois, « les producteurs ont bien compris que l’idée était de valoriser leur production à minima et de réfléchir à des solutions, pas de leur offrir une garantie de reprise ».

    6.2 – Prise en charge de la ramasse par OrNorme

    La ramasse des produits est prise en charge par OrNorme : « nous allons sur l’exploitation collecter les produits et faisons une contre-vérification du poids qu’ils nous ont donné à la conserverie. En général, nous collectons deux fois par semaine, le lundi matin pour la production du lundi et du mardi, et le mercredi pour notre production du jeudi et vendredi. Nous disposons d’une chambre froide, mais elle ne fait que 11 m2 donc nous sommes toujours en flux tendu sur le processus de production ».

    7- Autres activités

    En plus de l’activité de fabrication proprement dite, OrNorme conduit deux autres activités : la location du laboratoire et l’organisation de sessions de formation.

    7.1 – Location du laboratoire

    La journée du mercredi est consacrée à la location du laboratoire, un choix « permettant de libérer la journée pour les parents, conformément au souhait d’équilibrer vie professionnelle et personnelle ».

    OrNorme n’a jusqu’à présent aucune difficulté à louer : au moment de l’entretien, tous les créneaux étaient réservés pour les mois suivants.

    7.2 – Formation

    OrNorme réalise également 4 sessions de formation par an pour 10 stagiaires, « pas pour l’argent mais par envie de transmettre et parce qu’il y a beaucoup de demandes ». Ces formations sont conçues avec la plateforme Savoir Faire et Découverte, « un organisme de formation non physique qui s’occupe de tout ce qui gestion du CPF, Pôle Emploi, OPCO, etc. et qui a l’avantage d’être agréé en tant qu’organisme de formation ».

    Ces formations visent à acquérir les bases pour devenir conserveur, et s’adressent à tous : « au départ nous avions beaucoup de maraîchers mais ce sont de plus en plus des personnes qui veulent changer de vie. Nous avons également beaucoup de collectivités qui nous contactent. Ces formations permettent aux porteurs de projets de ne pas partir avec une vision biaisée de la conserve : souvent, les gens veulent s’imagine que le travail va ressembler aux conserves ou aux confitures faites avec leur grand-mère dans leur cuisine ; alors que dès que l’activité est transformée en métier et se professionnalise, elle demande une vraie expertise et comporte de vrais dangers en matière de sécurité alimentaire ».   

    Offrir ces formations correspond également au souhait d’OrNorme de promouvoir une certaine manière de concevoir les projets tournée vers la pratique et l’expérimentation : « j’encourage tous les porteurs de projets à prototyper des produits avec une conserverie existante pour faire des essais, valider ses recettes et recenser précisément le matériel dont on a besoin. Le matériel va être différent en fonction des recettes et les recettes vont être différentes selon les territoires. La vocation d’une conserverie est de valoriser les produits locaux et on ne va pas acheter le même matériel si on fait du fruit rouge ou si on fait des légumes d’hiver ou encore si l’on fait des châtaignes ou du melon. C’est donc tout un processus de réflexion à avoir et que l’on essaie de transmettre ».  

    8- Modèle humain : RH et gouvernance

    8.1 – Les associés 

    La SAS a été créé par un groupe d’associés : une coopérative légumière, une structure d’insertion, un maraîcher biologique, les gestionnaires de déchets qui font de la prévention de gestion des déchets sur le territoire, l’association ValOrise, un couple de mécènes privés et Peggy Jousse.

    Les montants investis initialement sont variables, mais cela n’a pas d’influence directe sur la gouvernance qui fonctionne sur le principe « une personne égal une voix » : « les plus gros associés sont un couple de mécènes qui habitent Pornic ayant apporté 40 000 €, alors que moi-même [Peggy Jousse] qui suis présidente directrice générale, je n’ai mis que 5 000 €. Mais ces écarts ne se ressentent pas du tout lors des assemblées générales : nous nous connaissons très bien, et chaque associé s’intéresse en contribue en priorité aux sujets sur lesquels il a une expertise : la coopérative de légumes va être plus attentive au sourcing, aux volumes et aux indicateurs de production ; les mécènes privés vont porter plus d’attention à la stratégie commerciale ; etc. En définitive, notre mixité est une force et permet une complémentarité des compétences ».  

    8.2 – La gouvernance au quotidien

    Les prises de décision se font de trois manières :

    • Pour les questions opérationnelles du quotidien, les décisions sont prises collectivement et de façon informelle au sein de l’entreprise, en concertation avec les salariés« très impliqués dans les décisions ».
    • Les décisions plus importantes sont prises au sein du comité stratégique, composé des salariés, des revendeurs et des fournisseurs : « le comité stratégique intervient par exemple, sur des questions du type : faut-il dédoubler la marque sur certaines gammes de produits, ou comment résoudre telle ou telle tension sur l’approvisionnement et quelles structures faut-il contacter en priorité ? Ce Comité stratégique permet de s’entraider, faire de la mise en réseau, de la mutualisation et lever des freins qu’on ne lèverait pas seuls. » 
    • Les grandes orientations d’OrNorme sont prises après consultation et aval du conseil d’administration : « je donne des nouvelles aux associés une fois par trimestre, et je fais appel à eux uniquement sur des questions qui sont déterminantes. Nous ne réunissions pas le conseil d’administration à des dates précises : on se réunit au fil de l’eau en fonction des questions qui se posent – par exemple, ça peut n’être qu’une fois par an ».

    8.3 – Les travailleurs

    OrNorme emploie une équipe de 7 personnes :

    • Peggy Jousse, la co-fondatrice chargée d’une grande variété de tâche (organisation générale, relations commerciales, communication, etc.)
    • Un responsable de production, qui est aussi encadrant technique
    • Deux salariés en CDI sur les fonctions supports
    • Trois salariés à temps complet en parcours d’insertion. 

    Une équipe « très soudée avec des personnes très compétentes, très impliquées, qui adorent leur métier – une vraie chance ! », témoigne Peggy Jousse. Une cohésion qui s’exprime notamment par « un taux d’absentéisme à zéro : même quand mes collègues sont malades, on est obligés de leur dire de rentrer chez eux sinon ils viennent travailler ! »

    L’emploi en tant qu’« entreprise d’insertion » présente des avantages mais aussi de nombreuses contraintes : « il faut renouveler l’agrément tous les ans et pour être honnête, l’année dernière, je me suis posée la question de continuer ou pas. Le gain économique des embauches sous ce statut n’est pas si important : nous sommes beaucoup moins subventionnés au poste qu’un ACI (ndlr : ateliers et chantiers d’insertion). Nous obtenons 10 000 € sur un temps complet, alors qu’un salarié avec les charges nous coûte entre 25 000 et 30 000 €. Mais sachant d’une part que nous prenons en charge le coût des formations et que nous continuons à rémunérer les salariés durant celles-ci ; d’autre part que nous consacrons aussi du temps à l’accompagnement socio-professionnel, les 10 000 € qui nous sont versés sont en fait directement réinvestis dans le salarié et ne constituent pas un réel avantage financier pour la conserverie. Le statut présente aussi des contraintes en matière de recrutement. On doit respecter de nombreux critères en matière de compétence du travailleur, mais aussi s’agissant de sa localisation géographique : on ne peut recruter que sur le département du Maine-et-Loire (49) alors que nous touchons aussi le département de l’Indre-et-Loire (37). Et c’est une vraie bataille pour recruter une personne qui ne rentre pas complètement dans les critères ».

    Le temps de travail et les rythmes horaires sont établis au cas par cas, en fonction des besoins et envies du salarié : « c’est un sujet discuté lors du recrutement : il y a les journées de production où nous n’avons pas trop le choix au niveau des horaires mais après c’est un peu à la carte. Par exemple, nous avons une salariée qui a des cours de français le mardi après-midi et qui ne travaille cet après-midi-là ; d’autres préfèrent être à 32 h plutôt qu’à 35 h pour ne pas finir trop tard. Nous essayons de nous adapter au mieux aux contraintes personnelles pour que chaque salarié puisse trouver son équilibre ».

    L’équipe apparait globalement suffisante pour la production actuelle – seul manque un renfort sur les questions commerciales et la communication : « sur 2022, nous allons retravailler notre organisation interne pour que je puisse dégager un peu plus de temps sur ces aspects. Nous allons aussi étudier la possibilité de prendre quelqu’un pour une mission de 6 mois sur l’aspect commercialisation afin d’étendre notre secteur géographique ».

    9- Modèle juridique

    9.1 – Une SAS de l’économie sociale et solidaire

    OrNorme a été conçue sous la forme d’une SAS, après que les statuts SCOP et SCIC ont été mis de côté : « la SCIC était trop mal connue des partenaires et acteurs qui allaient travailler avec nous sur le volet commercial et cela créait des freins au démarrage. Pour la SCOP, le statut posait des difficultés sur le volet économique ainsi que sur l’implication des travailleurs sur le long terme étant donné que notre statut d’entreprise d’insertion fonctionne avec des contrats de maximum 24 mois, parfois moins ». 

    De fait, la SAS présente plusieurs avantages, notamment celui de pouvoir orienter assez librement les statuts pour les faire coïncider avec les valeurs de l’ESS : « le statut SAS permet d’avoir une structure commerciale bien connue des fournisseurs et des revendeurs tout en permettant d’intégrer un système de gouvernance partagée, avec le principe “une personne = une voix”. Nous avons conçu notre SAS de sorte à ce que l’argent soit déconnecté des questions de pouvoir et de prise de décision. Nous avons également mis en place dans les statuts un plafonnement des salaires et un système de réserves obligatoires lorsque que l’entreprise fait des bénéfices, afin de garantir que l’argent reste au sein de la société et soit réinvesti plutôt que d’être distribué aux associés ».

    Une formule qui pour l’heure convient bien à OrNorme, même s’ils n’excluent pas de reconsidérer un jour les statuts SCOP et SCIC.

    9.2 – Une entreprise d’insertion

    Dès sa création, OrNorme a cherché à devenir une entreprise d’insertion – un processus qui s’est avéré « très compliqué et a pris plus d’un an et demi de rencontres, d’argumentations, d’explications avec la DREETS » (ndlr : Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités – anciennement appelées DIRECCTE) : « notre cas a été particulièrement compliqué puisque nous avons demandé l’agrément alors même que nous n’avions pas encore les locaux. Et même après, ça a toujours été compliqué : ils ne sont jamais venus visiter nos installations – tout s’est fait dans leurs bureaux. L’agrément implique souvent de rentrer dans des cases en matière de gestion administrative, de suivi des indicateurs… ce qui était souvent un peu compliqué dans notre cas – ce n’est pas pour rien que nous nous appelons OrNorme ».

    9.3 – Des contraintes sanitaires

    En tant que laboratoire, OrNorme doit naturellement respecter de strictes normes sanitaires, certes allégées par le fait qu’ils ne manipulent pas de produits carnés : « le fait que nous soyons 100% végétal nous dispense d’agrément avec les services vétérinaires. En revanche, il y tout le protocole de la HACCP que nous devons respecter, incluant bien sûr la formation des équipes. Nous sommes très vigilants. Nous avons un protocole de nettoyage quotidien, des protocoles spécifiques une fois par mois et nous avons aussi des protocoles liés à la certification bio. C’est une part importante de notre travail, mais qui fait partie du quotidien d’une conserverie ».

     

    10- Modèle économique

    10.1 – Le financement initial

    Une conserverie implique l’achat et l’entretien de matériel, en particulier un ou plusieurs autoclaves et une marmite (entre 10 000 et 15 000 € chacun), une étuve pour faire les tests bactériologiques, du matériel de plonge, et bien sûr le nécessaire pour répondre aux exigences du statut de laboratoire (panneaux sandwich, carrelage, centrales de nettoyage, etc) : « c’est au minimum entre 30 000 à 50 000 € d’investissement. Sauf bien sûr si l’on souhaite s’en tenir à la confiture, auquel cas on peut se lancer assez facilement et simplement avec des marmites sur le gaz ».

    Pour OrNorme, le montant des investissements a été financé grâce au capital des associés et à deux emprunts bancaires, un à la Caisse d’Épargne et un avec France Active Investissement. La SAS n’a perçu aucune subvention.

    10.2 – Répartition actuelle du CA entre les activités

    OrNorme a commencé la production en janvier et la commercialisation en mai 2021, ce qui offre encore peu de recul, mais Peggy observe que  « les revendeurs et clients sont fidèles, avec un taux de réassort de 92 % ».

    A l’heure actuelle, la répartition du CA se fait comme suit :

    • Ventes sous la marque OrNorme : 70% du CA
    • Prestation de service (fabrication pour le compte/sous la marque de tiers) : 20%
    • Location du laboratoire et formation : 10%

    La capacité de production d’OrNorme est de 150 tonnes de produits à valoriser pour une production annuelle d’environ 100 000 bocaux.

    A l’heure actuelle, OrNorme livre auprès de 50 revendeurs – et souhaite atteindre 300 en 2022.

    10.3 – Un modèle économique difficile

    Les prix de vente et les marges sont discutés et ajustés avec les revendeurs au cas par cas : « il y a des allers-retours et parfois certains revendeurs nous ferment leurs portes. Dans ce cas-là, nous analysons notre marge pour voir jusqu’où nous pouvons la baisser. Ce n’est pas un exercice facile. Pour nous donner plus de latitude, nous cherchons aussi à étendre notre zone de commercialisation. Nous sommes aujourd’hui dans les Pays de la Loire et nous nous posons la question d’aller sur le bassin parisien ou sur des grandes villes en France où la commercialisation serait plus facile car il y a plus de pouvoir d’achat ».

    A l’heure actuelle, les marges sont « rarement confortables » : « nos revendeurs ont une marge sur nos produits entre 50 et 65 %, ce qui n’est pas très équitable. Nous ne percevons pas les effets de la loi Egalim qui portait pourtant l’idée d’équitabilité entre le producteur, le transformateur, le revendeur et le client final. Nous jouons le jeu avec nos producteurs mais nos revendeurs ne jouent pas le jeu avec nous. Nous aimerions que le revendeur baisse sa marge à 40 % (plutôt que 50 à 65 %) de manière à ce que ce soit mieux réparti ». 

    En outre, une conserverie doit faire face à un aléa économique lié à son besoin permanent de bocaux, capsules, palettes et cartons : « à l’heure actuelle, il y a de nombreuses pénuries et nous sommes obligés de jongler avec plusieurs fournisseurs ce qui entraîne une augmentation des coûts. Par exemple sur les capsules, nous sommes à +48 % d’augmentation, sur les bocaux +8 %. Nous achetons plus pour avoir des tarifs plus bas et nous stockons plus mais cela impacte notre trésorerie et ne correspond pas forcément à notre modèle. Il y a une alerte de crise sur 2022, les fournisseurs nous disent que cela ne s’arrêtera pas. La question se pose alors de répercuter ces hausses sur le prix de vente. Mais avec les problèmes actuels de pouvoir d’achat et d’incertitudes sur l’emploi, les consommateurs maîtrisent davantage leurs dépenses ».

     

    11- Communication et marketing

    223 grammes a beaucoup investi dans sa communication au travers de multiples canaux :

    • Au lancement, elles ont créé une campagne participative sur Mimosa qui leur a permis « d’une part de récolter des fonds, d’autre part de se faire connaitre et de susciter l’engouement auprès de leur future clientèle ».
    • Elles créent aussi régulièrement des vidéos pour expliquer l’histoire et le fonctionnement de 223 grammes : vous pouvez retrouver leur chaîne Youtube ICI
    • Elles sont également très actives sur les réseaux sociaux Facebook et Instragram
    • De l’affichage dans Granville pour « se planter dans le décor et faire connaitre notre logo, notre charte graphique, notre univers ».
    • Des interviews auprès des collectivités, de la CCI pour aussi se faire connaitre par ce biais-là.

     Elles avaient également un programme événementiel (réunions, dégustations, etc.) qui n’a pas encore pu être déployé à cause du Covid

    12- Enjeux et avenir

    Plusieurs idées de développement sont évoquées pour la suite, et notamment développer des points de retrait mais aussi essayer de toucher une clientèle de touristes, notamment « en mettant en place des partenariats avec des conciergeries qui louent des appartements à Granville, et qui pourraient proposer des paniers pour l’arrivée des gens ».

    13- Récap !
    • Nom de l’organisation : Conserverie OrNorme
    • Adresse : Conserverie OrNorme, 32 All. des Caves, 49650 Brain-sur-Allonnes
    • Sites Web : https://www.conserverieornorme.fr/
    • Nom du référent (avec poste) : Peggy Jousse (fondatrice)
    • Territoires desservis : Maine et Loire et départements environnants
    • Structure juridique (entreprises, associations, coopérative, organisme communautaire, organisme gouvernemental, autre) : SAS
    • Date de création : 2019
    • Quel volume approximatif de ventes / de CA ?: N/A
    • Comment caractérisez-vous de façon globale votre circuit de distribution ? Conserverie (vente directe / via revendeurs)

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